Loup Bureau, « Chroniques d’un prisonnier » | Chambre noire | Prix Bayeux 2019

Loup Bureau est un reporter freelance. Il travaille au Moyen-Orient et en Ukraine. Il est aussi journaliste pour TV5 Monde. Arrêté en 2017 à la frontière entre la Turquie et l’Irak par l’armée Turque, il est accusé “d’activités terroristes” pour une photo dans laquelle il apparait auprès de combattants Kurdes lors d’un reportage. Présent au Prix Bayeux 2019 pour la sortie de son livre « Chronique d’un prisonnier » où il relate son quotidien dans la prison turque. Il nous parle de son incarcération et de ses futurs projets.

Résistantes – Quand l’histoire fait l’impasse

Si tout le monde connait Jean Moulin, il est souvent plus compliqué pour le grand public de citer un nom de Résistante française et pourtant! Les rangs de l’armée des ombres étaient forts de 20% de femmes. Comme les Françaises Simone Veil, Anette Lajon ou encore Louise Aubrac, elles ont toutes oeuvré dans le silence pour permettre aux Alliés, au matin du 6 juin 1944, de débarquer avec le moins d’encombres possibles et ainsi libérer la France de la maladie nazie.

Depuis septembre 2018, le Mémorial de Caen propose une visite axée sur le rôle des femmes dans la Seconde Guerre mondiale. Pour Nathalie Lemière, les rôles féminins, par le manque de leurs témoignages étaient trop peu présentés aux visiteurs du Mémorial. De la femme combattante, à la femme jugée pour collaboration en passant par le portrait des deux jeunes jumelles Kirzner, envoyées en chambre de la mort, le musée a pour volonté de rendre hommages aux femmes.

Compte-rendu

Ce lundi 7 octobre 2019, une table ronde a été organisé au Mémorial de Caen sur le thème des “Femmes combattantes et civiles, oubliées de l’histoire” en partenariat avec l’IUT de Lannion et CFI. La conférence, organisée par Sandy Montañola, maîtresse de conférences à l’Université de Rennes 1, a permis de réunir trois spécialistes de la question.

Fanny Bugnon, maîtresse de conférences en histoire et études de genre à l’Université de Rennes 2, est auteure de l’article Les Amazones de la terreur. Sur la violence politique des femmes, de la Fraction Armée rouge à Action directe. Elle a souligné la tentative de décrédibilisation et d’érotisation, de la part des médias, envers les femmes combattantes, de la Seconde Guerre mondiale aux groupes terroristes d’extrême gauche des années 1970 et 1980.

Carol Mann est historienne et sociologue spécialiste du genre et des conflits armés. Elle a expliqué les comportements des femmes et des hommes dans des conditions extrêmes.

Jane Wang, spécialiste des mouvements sociaux à l’Université de Beijing, a pu expliquer le cas particulier des représentations sociales sur les Chinoises, et notamment les policières, dans les médias. Généralement, elles sont réduites à leur apparence et à la maternité.

Au cours de cet échange, chaque spécialiste a exposé le fruit de ses recherches.

Toutes s’accordent sur un point : les femmes combattantes restent peu ou mal médiatisées. Et pour cause, « elles sortent des bornes de leur sexe », comme l’explique Fanny Bugnon.

Vidéo de la conférence en cours de montage

Interview Nathalie LEMIERE – La place des « mères » durant la Seconde Guerre mondiale

Les femmes ont eu une place importante durant la Seconde Guerre mondiale. Les mères ont dû fuir et protéger leurs enfants. Sous le régime de Vichy, le maréchal Pétain applique la maxime « travail, famille, patrie ». Il met en place une politique de valorisation de la famille ( allocations familiales mises en place, valorisation de la fête des Mères) qui pousse les femmes à retourner à la maison. Les mères tenaient une place importante durant cette guerre. Nathalie LEMIERE, responsable pédagogique du Mémorial de Caen, nous en parle.

Une interview de Rania RZIGUE et Morgane GUIOMARD

Portrait d’une Résistante – Edmone Robert

Durant la Seconde Guerre mondiale, une infime partie de la population française était résistante. Des hommes et des femmes aux idéologies différentes mais qui luttaient pour la libération de la France. Edmone Robert faisait partie du Front National, parti Résistant créé par les communistes. Elle a été déportée et son carnet de notes est conservé aux archives départementales du Calvados. Elisabeth Olive directrice adjointe des archives départementales du Calvados, nous raconte son histoire.

Un diaporama sonore de Léa PRATI et Morgane GUIOMARD

Portrait de reporters : Svetlana Alexievitch, racontée par François Bordes, délégué à la recherche à l’Imec

Aux archives de l’IMEC (Institut mémoire de l’édition contemporaine), nous avons rencontré François Bordes, délégué à la recherche. Ce dernier nous a présenté le système d’archives. Svetlana Alexievitch est une figure de ces archives. C’est une journaliste et écrivaine ukrainienne. Prix Nobel de littérature en 2015, elle est, aujourd’hui, mondialement connue. Ce n’était pas le cas il y a quelques années de cela. Grâces aux archives de l’IMEC, nous avons pu retracer son parcours.

Portrait de Lyra McKee – interview de Niall O Murchu

Comme chaque année, lors du prix Bayeux-Calvados-Normandie, une stèle qui rend hommage aux reporters tués a été inaugurée. Leurs noms sont gravés dans une pierre posée dans le Mémorial des reporters de guerre à Bayeux. Cette année, la cérémonie a, notamment, rendu hommage à Jamal Khashoggi, journaliste saoudien tué en 2018. Sa mère et sa fiancée étaient présentes. Un long hommage lui a été rendu. Parmi les nombreux autres noms, se trouve celui de Lyra McKee, journaliste irlandaise tuée en 2019. Niall O Murchu, un de ses plus proches amis, était présent pour témoigner. 

Les femmes dans les guerres : leur entrée au musée – interview de Nathalie Lemière

Durant la Seconde Guerre mondiale, le rôle des femmes a été passé sous silence. Les femmes ont été invisibilisées au profit des héros masculins de la Résistance. Pourtant, elles y ont joué un rôle important, notamment dans la Résistance au quotidien. En France, on comptabilise 20 % de femmes résistantes. C’est le cas de Germaine Tillion, Marie-José Chombart de Lauwe ou encore Geneviève de Gaulle-Anthonioz. Toutes ces femmes n’ont pas manqué d’ingéniosité durant la guerre. Elles se sont organisées comme elles le pouvaient. C’est à ce moment-là que les semelles à talons en bois ont été inventées, car les chaussures tenaient plus longtemps avec cela. Outre ces anecdotes, les femmes ont joué un vrai rôle. Pour un unique Résistant, cinq femmes étaient nécessaires : cacher, nourrir (elles faisaient la queue pour le rationnement par exemple) ou encore héberger les hommes. Nathalie Lemière, responsable pédagogique au Mémorial de Caen, détaille leurs activités et leur entrée dans les musées. 

La représentation des femmes armées dans les médias – interview de Fanny Bugnon

Fanny Bugnon est chercheuse à l’Uuniversité de Rennes 2 où elle dirige le DU « Women studies ». Elle est spécialiste des études de genre. Elle a publié de nombreux articles comme “Les Amazones de la terreur : sur la violence politique des femmes, de la fraction Armée Rouge à Action directe”. Nous l’avons rencontrée pour discuter de la représentation des femmes armées dans les médias. 

En quoi les femmes armées sont une transgression de l’ordre du genre ?

Il existe un interdit anthropologique qui est une forme d’invariant. Les travaux de Françoise Héritier et de Paula Tabet, par exemple, le soulignent : l’accès à la violence et aux armes est réservé aux hommes. En effet, il s’agit d’un marqueur masculin sur le plan anthropologique. Il existe également des cadrages nationaux et juridiques qui ont amené à construire la citoyenneté des hommes à travers l’accès au service militaire et l’accès aux armes, à une époque où les femmes étaient dépourvues de droits politiques. On a justifié le fait que les femmes n’avaient pas ces droits justement, parce qu’elles ne combattaient pas pour défendre leur pays. 

Comment les médias parlaient-ils des femmes violentes dans les années 70-80 ?

A chaque fois que des femmes ont participé à des actions armées, notamment des actions armées illégales, elles ont toujours été présentées comme une éternelle nouveauté. C’est ce qu’on appelle un « déni d’antériorité ». Elles sont toujours nouvelles. Or, pour parler d’elles, on fait référence au mythe des Amazones qui date de 1 000 ans avant Jésus Christ. On nourrit des figures éternellement nouvelles avec des références historiques ou mythologiques à des femmes organisées collectivement et qui étaient des guerrières.

Comment sont représentées les femmes violentes dans les médias français aujourd’hui ? 

L’accès des femmes aux armes commence à être banalisé dans les armées, dans la police mais elles sont rarement dans les opérations de maintien de l’ordre direct. Il y a quand même des assignations qui demeurent. Elles ne sont pas exactement au même stade que les hommes. Elles demeurent minoritaires sur le plan des effectifs.

par Morgane GUIOMARD et Aouregan TEXIER.

« Une femme au front »

Martine Laroche-Joubert est une reporter de guerre française. Depuis une trentaine d’années, elle parcourt les terrains de conflits pour France 2. Cette année, elle a publié l’ouvrage Une femme au front – mémoires d’une reporter de guerre où elle livre une vision poignante des moments qui l’ont le plus marquée. Nous l’avons rencontrée dans la chambre noire.